
Un aperçu ?
Deux frères et une sœur se retrouvent quarante ans plus tard pour liquider la succession de leur père mourant. Cela se passe l'hiver, dans la ville minière de Fermont au Québec, à la frontière avec le Labrador, où les températures peuvent descendre jusqu'à au moins soixante degrés. Pour lutter contre la violence des vents, un mur écran a été construit dans lequel vivent les habitants de Fermont, dont la plupart sont employés par la compagnie qui gère la mine de fer. entre l'intérieur de la maison, où a lieu la rencontre des enfants, et l’extérieur, où les vents violents qui balaient la ville n'empêchent même pas une invasion de ses rues par une horde de rats, quelque chose va sourdre, comme une blessure mortelle et ancienne, que les enfants vont devoir confronter pour retrouver, peut-être, une sensation de légèreté. Mais la légèreté se paie aujourd'hui au prix fort. Ils en feront l'expérience.
Wajdi Mouawad
Né en 1968, l'auteur, metteur en scène et comédien Wajdi Mouawad a passé son enfance au Liban, son adolescence en France et ses années de jeune adulte au Québec avant de vivre en France aujourd'hui. Diplôme de l'Ecole national d'art dramatique du Canada en 1991, il signe des adaptations et des mises en scène de pièces contemporaines, classiques et de ses propres textes (publiés aux éditions Leméac/ Acte Sud-papiers). Directeur artistique du Théâtre de Quat'Sous à Montréal de 2000 à 2004, il fonde l'année suivante deux compagnies de création : Abé Carré Cé Carré au Québec et Au Carré de l'Hypoténuse en France. Il est de 2007 à 2012 directeur artistique du Théâtre français du Centre national des arts à Ottawa. Après y avoir présenté Littoral et son solo Seuls (solo qu'il jouera à Chaillot en mars 2013), il est artiste associé de la 63e édition du festival d'Avignon, où il crée le quatuor Le Sand des promesses composé de la trilogie Littoral, Incendies, Forets (présentée à Chaillot en 2010) et Ciels. Ses plus récentes créations sont Temps et Des femmes, premier opus d'un projet destiné à porter au plateau les sept tragédies de Sophocle.
Préface de Temps, par l'auteur et le metteur en scène
J'avais, après la création des spectacles qui composent Le Sang des promesses, l'envie de déplacer, d'inquiéter, l'instant de l'écriture. J'avais, de manière obsessive, l'envie que l’inquiétude ne soit plus un état à gérer mais qu'elle devienne la source de mes intuitions ; car comment obliger les mots à sortir, à survenir, de manière différente, sans que cela ne soit une simple décision formelle, si ce n'est en se jetant de toutes ses forces au vas de cet immeuble intérieur qui nous abrite, dans l'espoir d'être rattrapé en retour par un autre soi, nouveau à jamais, un inconnu, un étranger et pouvoir alors, au sortir de la chute, se dire : "c'est moi qui ai écrit ça ?!"
Chuter est inquiétant. Alors évidemment ce ne fut pas de tout repos (...) Temps, en ce sens, est une entreprise de démantèlement, de sabotage, pour se déconnecter d'un monde au fond illusoire et se reconnecter, sans doute à une autre illusion, mais qui, dans sa sensation de nouveauté, fait ressentir le vent de la réalité. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Une fois en période de création, tout s'est passé, et très vite, et très lentement. Ayant très peu de jours de répétition, nous avons pris tout notre temps. quelque chose de lent, comme la chute d'un glacier, à imprégné l'ensemble du récit qui s'est construit sous nos yeux. Cette lenteur dans la vitesse a été, pour moi, la plus belle découverte.
L’écriture, au final, s'est avérée plus elliptique, plus abstraite, plus courte et moins lyrique que d'habitude, tout en demeurant reliée aux pulsions qui me traversent depuis Journée de noces chez les Cromagnons jusqu'à Ciels. De plus, dans Temps, il n'y a pas de secret à découvrir, simplement un père à abattre. L'irruption du personnage de Napier est, pour moi, une ouverture vers un espace que je n'avais pas encore osé accoster. J'ai toujours cherché à éviter d'affronter la question du mal. Van Gogh, longtemps, n'osa pas toucher aux couleurs, se méfiant de leur puissance et se contentant de peindre en ocre, marron et brun.
La question du mal a la saturation d'un jaune citron. Il peut être très agréable de s'y contempler. Je me suis toujours méfié instinctivement de ce que le mal a de romantique. Temps est un premier geste pour évoquer cette question, sans y parvenir réellement. Napier n'est pas mauvais ; il est faible. Mais la porte s'est entrouverte me faisant comprendre qu'après Ciels, un no man's land séparant deux époques d'écritures devra être traversé, sans doute sur plusieurs créations, pour parvenir à l'endroit recherché, même si j'ignore encore tout de lui.
L'inquiétude peut être une boussole. Si elle nous quitte alors nous faisons fausse route. Il faut la garder vive et vivante malgré tout. Inquiétude d'avant les répétitions, inquiétude pendant la création et inquiétant durant les représentations. Tout cela affirme une écriture autre ; des phrases pensées différemment ; des espaces rêvés autrement. Une écriture qui, pour renaître de ses cendres, doit trouver une manière de s'annihiler elle-même.
Petit grain de...
Frisson ! Dans tous les sens du terme, c'est une pièce bouleversante.
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