jeudi 24 octobre 2013

Les chants de l'Umaï





Représentation à Chaillot 

Un aperçu ?

Rendre l'imaginaire réel, rêver le monde, le mettre en scène...Depuis 1989, la compagnie Système Castafiore implantée à Grasse, constituée du metteur en scène-compositeur Karl Biscuit et de la danseuse-chorégraphe Marcia Barcellos (tous deux passés chez Alwin Nikolaïs puis anciens membres du collectif Lolita), n'a aucun équivalent dans le paysage de l'art vivant français.
La "patte" Castafiore est unique : mêlant danse, chants étranges, images sophistiquées, collages sonores...,ses spectacles sont souvent peuplés de créatures oniriques, de tribus imaginaires. Sa représentation scénique du réel est le reflet de la folie de notre monde. La démarche du Système Castafiore, riche en savoir-faire multiple, est mise au service d'une imagerie ludique. Cela tient certainement à la joie communicative de ses maîtres d'oeuvre, dirigeant conjointement ce collectif d'artistes très créatifs.

Petit grain de..

D'étrangeté ! Aussi surprenant qu'étrange, ce spectacle vaut le coup d'oeil. De la qualité, certes, bien que cela soit très particulier. A chacun de trouver son univers, son interprétation dans ce spectacle....Mais si l'on ne rentre pas dedans, il est difficile d'apprécier.

La Cantatrice Chauve



Mise en scène : Caroline Raux
Cie Les Polycandres

Petit grain de...

Fou rire ! Si la bonne humeur n'est pas au rendez-vous, courrez voir ce spectacle...Un bon moment à passer, qui rend la vie un peu plus légère.

Dos à deux





Représentation à l'IVT - International Visual Theatre 

L'histoire

Cette pièce sans paroles emprunte son thème et ses personnages, Didi et Gogo, à l'oeuvre de Beckett En attendant Godot : une attente sans fin dans laquelle deux clowns lunaires errent avec une poésie et une tendresse rares. Ce sont des êtres d'enfances qui s'agrippent l'un à l'autre, jouent avec le feu, piaffent d'excitation et s'enroulent dans des peaux costumées d'adultes qui démangent. Ce duo burlesque explore avec énergie la construction originale d'un langage théâtrale et gestuel.

" En attendant Godot ", s'en inspirer pour inventer un voyage drôle et poétique...sans un mot, en forme de gestes.

Seuls au monde, ils attendent quelqu'un dont on sait qu'il ne viendra jamais. Et pendant ce temps suspendu, ils trouvent sans cesse des jeux absurdes, des disputes sans fin, des retrouvailles tendes pour essayer de combler le silence. Des rires aux soupirs, ces êtres d'enfance s'agrippent, se repoussent, se portent, se supportent...Ils ont beau se démener, se tortiller, il n'y a rien à faire, il n'y a donc qu'à attendre dans cet espace "assez vaste pour permettre de chercher en vrai, assez restreint pour que toute fuite soit vaine".


Petit grain de...

Talent ! On aimerai que cela ne se termine jamais... Une poésie, de l'époustouflant, une technique, une constance, des suprises, du partage...Ces personnages sont si réels qu'on s'y attache. Le temps se suspend !

Mater Replik



Spectacle de mime contemporain, par la Cie Vahram Zaryan à L'Atelier du plateau.


"La chorégraphie du geste, c'est trouver les états émotionnels des gestes et les rendre lisibles corporellement dans l'espace scénique"

Un aperçu ? 

Mater Replik est un spectacle de Mime Contemporain sur l'exil, une tentative pour saisir l'expérience intérieure du déracinement. C'est une histoire parmi de nombreuses autres, celle d'un homme bouffé de terre. Ce déplacement est une secousse, suivie de nombreuses autres. Langue maternelle et terre maternelle se confondent et viennent envahir l'espace que le personnage tente d'habiter. dans ce lieu où la terre ne cesse de rentrer, il se livre à une étrange cérémonie et se débat pour vivre.

Note d'intention

Comment aborder ce sujet avec ma pratique, le mime contemporain ? La chorégraphie du geste, c'est trouver les états émotionnels des gestes et les rendre lisibles corporellement dans l'espace scénique.
Au cours des différentes improvisations sur ce thème, il y eut diverses expérimentations du rapport à l'espace seréé, étouffant et contraignant, puis très ouvert et finalement tout aussi contraignant, puis sur l'alternance entre ces deux espaces, leur surgissement l'un à l'intérieur de l'autre, en approchant toutes les variations possibles. L'idée d'un rapport particulier avec le rythme s'est imposée au cours de mes recherches : il y avait toujours quelque chose de l'ordre de la mesure qui revenait mais comme une malédiction et sur laquelle le geste ne pouvait absolument pas s'aligner ; il me fallait trouver le rythme intérieur du geste.
Enfin, l'environnement, les objets (tantôt invisible ou réels), la vidéo et le son, tout, petit à petit faisait corps, et chacun de ces éléments composaient avec le personnage comme des partenaires de jeu et en même temps des histoires parallèles. A aucun moment le son ou la vidéo ne sont là comme prétextes au mouvement et sans autre raison d'être "sur scène". Tous les sons, les images, sont là, dans un échange avec le personnage et dans l'espace pour le spectateur. Après différentes tentatives pour trouver le "corps" de l'exil, cet état ne me semble pas être le fait seulement des exilés. Si le corps de l'exil est en déséquilibre tous les corps montrent que nous sommes exilés. J'ai voyagé beaucoup, libre ou contraint, j'ai parfois trouvé que ma simple présence mettait en exil les gens du pays où je me trouvais....
Mater Replik est marqué par une certaine étrangeté voir tristesse, mais j'ai choisi de passer par cet état là pour voir autre chose : que l'exile n'est pas qu'une fuite, un fardeau, un voyage emprunt d'un irrémédiable tristesse. C'est aussi beaucoup de joie, un appel extraordinaire, un horizon immense qu'un n'a jamais fini de parcourir. c'est une fête où tous ces sentiments contradictoires se mélangent.

Vahram Zaryan ?


Il a acquis de solides connaissances dans le domaine du théâtre, de l'expression corporelle et de la danse au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique d'Arménie. Il se spécialise rapidement dans le mimodrame et commence à le pratiquer au Théâtre d'Etat de Pantomime d'Erevan, dirigé par Zhirayr Dadasyan. Il suit des cours avec Yves Casati, de l'Opéra de Paris, en danse classique et avec Yvan Bacciocchi à l'Atelier de Belleville, technique Decroux. Vahram Zaryan perfectionne son art à la prestigieuse Ecole Internationale de Mimodrame de Marcel Marceau ; il sera un des derniers diplômés de l’École. Par ailleurs, il participe à des stages et master-classes avec Ariane Mnouchkine, Caroline Carlson et Maurice Béjart. Il crée une compagnie de mime avec des artistes issus de l'école Marcel Marceau, "Le théâtre suspendu", qui présentera plusieurs créations (Sépia, Quartet, Le linge entre autres) en France et à l'étranger. Parallèlement aux créations de la compagnie, Vahram Zaryan interprête entre autre le rôle du mime blanc lors d'un gala au Palais Garnier, il rend hommage au cinéaste Serguei Paradjanov dans un spectacle intitulé Couleurs de la grenade. Il a joué le rôle de Vespone dans l'Opéra de Pergolesi La serva Padrona, au Théâtre du Tambour Royal à Paris.
Vahram Zaryan crée une nouvelle compagnie de mime contemporain qui est consacré aux écritures contemporaines pour le théâtre gestuel. Avec le dramaturge Florent Bracon ils conçoivent un spectacle intitulé Confession qui est joué en Europe de l'Est et au festival international de pantomime d'Arménie. S'en suit rapidement un autre spectacle, "Il y a", qui a été joué à la cité universitaire Internationale de Paris.

Petit grain de...

Stupeur. Je suis restée aussi bouche-bée, qu'émerveillée et remplie de ses petits frissons ressentis même sans l'ombre d'une vague de froid. En espérant un jour que le mime soit estimé à sa propre valeur car ce qui est transmis est unique...Surtout dans ce petit théâtre atypique !

lundi 21 octobre 2013

Amaluna, Cirque du Soleil







Une troupe hors pair, un voyage vers le magique... Du talent à volonté ! 

Jacques et son maître



Mise en scène de Nicolas Briançon

Comédien mais surtout metteur en scène de talent. il a monté Jacques et son maître de Kundera en 2000. Il est né en 1962 à Chambery. Il a joué dans plusieurs pièces :
- Le manège, de Florian Zeller
-Futur conditionnel, de Xavier Daugreilh
- Le plaisir de rompre et Le pain de ménage de J. Renard
Il a également mis en scène de nombreuses pièces de Molière, Corneille, etc. De plus, il a tourné au cinéma et il est le directeur de plusieurs festivals.

Trois aperçus? 

De toutes les adaptations je pense la même chose que le maître Jacques quand il s'exclame : "Que périssent tous ceux qui se permettent de réécrire ce qui a été écrit! [...] Qu'ils soient châtrés et qu'on leur coupe les oreilles!" Ma pièce n'est pas une adaptation. c'est ma variation très libre sur un romain que j'adore, un hommage à son auteur, à son humour, à sa liberté. Déjà, en 1998, Nicolas Briançon a présenté une mise en scène de Jacques et son maître. Enchanté, j'ai alors vu le spectacle au moins quinze fois, heureux que le metteur en scène ait été sensible à chaque phrase de mon texte, écrit en 1971, alors que je vivais encore à Prague, aux pires moments de l'occupation russe. Dans ce trou noir de notre siècle, j'avais eu besoin d'entrevoir un rayon se soleil venu du 18e siècle français. D'où l'esprit de la pièce : le comique pénétré de mélancolie, le rire qui pleure.
Briançon revient aujourd'hui à Jacques et son maître et, encore une fois, je suis enchanté. Il est toujours fidèle et à lui-même et à moi, à la simplicité de la scène, à ses excellents acteurs (je suis heureux de les retrouver presque tous, après quatorze ans) et à l'esprit d'un désespoir enjoué.
Une petite remarque : le titre dit : "hommage à Denis Diderot en trois actes". Pourtant, chez Briançon, il n'y a aucun entracte. En effet, quelle barbarie que d'interrompre une oeuvre d'art! Je pense aux sonates et aux symphonies ; elle sont toujours divisées en trois ou quatre mouvements dont chacun est marqué par un tempo différent. Ce changement des tempi donne à l'ensemble sa forme. Voici les tempi du Jacques et son maître de Briançon : premier acte (le voyage commence) : allegro; deuxième acte (l'arrêt à l'auberge) : vivace d'un scherzo ; dernier acte (la fin du voyage) : lento.
Briançon est un musicien de la mise en scène.
Milan Kundera 

Dideront, Kundera...L'intelligence et le plaisir. Le Bonheur à létat pur. Bonheur d'un texte en état de grâce, qui nous enchante et nous rend plus heureux. Intelligence de deux pensées qui, à plusieurs siècles de distance, dialoguent, s'interrogent et s'amusent, dans une lisibilité absolue qui nous fait croire à la vie. La liberté, le plaisir, le bonheur, la nostalgie, l'ivresse et le naufrage : il y a tout celui dans Jacques. Tout ce qui est au cœur même de nos vies. tout ce qui les traverse et les irradie. Cet hommage au siècle des Lumières français nous rappelle à quel point le théâtre peut être ce moment de plaisir et d'intelligence limpide qui le rend si précieux. Je voulais remonter cette pièce quinze ans après ma première version et retrouver Yves Pignot, mon "maître". Je voulais confortes nos personnages à l'épreuve du temps, puisque ces deux-là sont sans âge. Je voulais nous, et vous faire plaisir, du moins je l'espère, en replongeant dans ces aventures merveilleuses. C'est une belle et formidable pièce. Légère et profonde, vive et grave. Elle nous fait respirer un peu plus haut, un peu plus loin. C'est un rêve de théâtre.
Nicolas Briançon

En 1972, le jeune metteur en scène François Georges Werler est allé voir Milan Kundera à Prague et a emporté en fraude à Paris le manuscrit de sa pièce Jacques et son maître. Kundera l'a écrite après l'invasion russe, quand toute son oeuvre, ancienne et future, a été gommée des lettres tchèques. C'est son vieil amour pour Jacques le Fataliste qui a inspiré ce "divertissement au temps de la peste", cette "variation sur Diderot" où l'imagination du grand écrivain du siècle des Lumières s'est jointe à la sienne. Le Diderot auquel on rend hommage ici ne coïncide pas tout à fait avec celui vénéré en France. Pour Kundera, il est avant tout le romancier ; un des plus originaux qu'à connu l'histoire ; la pièce n'a donc rien d'une leçon philosophique ; elle est un vrai théâtre qui exalte le plaisir d'invention, l'humour et le rationalisme ludique de Diderot, elle célèbre son extraordinaire liberté formelle qui, selon Kundera, n'a plus jamais trouvé sa pareille dans l'évolution du romain mondial. c'est à l'époque où Prague a vécu sa "fin de l'Occident" que Kundera savoure cette éclatant liberté diderotienne comme on savoure des valeurs condamnées et qui sont sans avenir. C'est pourquoi la gaieté de cet "hommage théâtral" est entourée d'une aura mélancolique inconnue au siècle des encyclopédistes.
Gallimard 

Petit grain de...

Rire, légèreté et qualité ! Oui, tout ça réunis.





Temps



Un aperçu ? 

Deux frères et une sœur se retrouvent quarante ans plus tard pour liquider la succession de leur père mourant. Cela se passe l'hiver, dans la ville minière de Fermont au Québec, à la frontière avec le Labrador, où les températures peuvent descendre jusqu'à au moins soixante degrés. Pour lutter contre la violence des vents, un mur écran a été construit dans lequel vivent les habitants de Fermont, dont la plupart sont employés par la compagnie qui gère la mine de fer. entre l'intérieur de la maison, où a lieu la rencontre des enfants, et l’extérieur, où les vents violents qui balaient la ville n'empêchent même pas une invasion de ses rues par une horde de rats, quelque chose va sourdre, comme une blessure mortelle et ancienne, que les enfants vont devoir confronter pour retrouver, peut-être, une sensation de légèreté. Mais la légèreté se paie aujourd'hui au prix fort. Ils en feront l'expérience.

Wajdi Mouawad

Né en 1968, l'auteur, metteur en scène et comédien Wajdi Mouawad a passé son enfance au Liban, son adolescence en France et ses années de jeune adulte au Québec avant de vivre en France aujourd'hui. Diplôme de l'Ecole national d'art dramatique du Canada en 1991, il signe des adaptations et des mises en scène de pièces contemporaines, classiques et de ses propres textes (publiés aux éditions Leméac/ Acte Sud-papiers). Directeur artistique du Théâtre de Quat'Sous à Montréal de 2000 à 2004, il fonde l'année suivante deux compagnies de création : Abé Carré Cé Carré au Québec et Au Carré de l'Hypoténuse en France. Il est de 2007 à 2012 directeur artistique du Théâtre français du Centre national des arts à Ottawa. Après y avoir présenté Littoral et son solo Seuls (solo qu'il jouera à Chaillot en mars 2013), il est artiste associé de la 63e édition du festival d'Avignon, où il crée le quatuor Le Sand des promesses composé de la trilogie Littoral, Incendies, Forets (présentée à Chaillot en 2010) et Ciels. Ses plus récentes créations sont Temps et Des femmes, premier opus d'un projet destiné à porter au plateau les sept tragédies de Sophocle.

Préface de Temps, par l'auteur et le metteur en scène

J'avais, après la création des spectacles qui composent Le Sang des promesses, l'envie de déplacer, d'inquiéter, l'instant de l'écriture. J'avais, de manière obsessive, l'envie que l’inquiétude ne soit plus un état à gérer mais qu'elle devienne la source de mes intuitions ; car comment obliger les mots à sortir, à survenir, de manière différente, sans que cela ne soit une simple décision formelle, si ce n'est en se jetant de toutes ses forces au vas de cet immeuble intérieur qui nous abrite, dans l'espoir d'être rattrapé en retour par un autre soi, nouveau à jamais, un inconnu, un étranger et pouvoir alors, au sortir de la chute, se dire : "c'est moi qui ai écrit ça ?!"
Chuter est inquiétant. Alors évidemment ce ne fut pas de tout repos (...) Temps, en ce sens, est une entreprise de démantèlement, de sabotage, pour se déconnecter d'un monde au fond illusoire et se reconnecter, sans doute à une autre illusion, mais qui, dans sa sensation de nouveauté, fait ressentir le vent de la réalité. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Une fois en période de création, tout s'est passé, et très vite, et très lentement. Ayant très peu de jours de répétition, nous avons pris tout notre temps. quelque chose de lent, comme la chute d'un glacier, à imprégné l'ensemble du récit qui s'est construit sous nos yeux. Cette lenteur dans la vitesse a été, pour moi, la plus belle découverte.
L’écriture, au final, s'est avérée plus elliptique, plus abstraite, plus courte et moins lyrique que d'habitude, tout en demeurant reliée aux pulsions qui me traversent depuis Journée de noces chez les Cromagnons jusqu'à Ciels. De plus, dans Temps, il n'y a pas de secret à découvrir, simplement un père à abattre. L'irruption du personnage de Napier est, pour moi, une ouverture vers un espace que je n'avais pas encore osé accoster. J'ai toujours cherché à éviter d'affronter la question du mal. Van Gogh, longtemps, n'osa pas toucher aux couleurs, se méfiant de leur puissance et se contentant de peindre en ocre, marron et brun.
La question du mal a la saturation d'un jaune citron. Il peut être très agréable de s'y contempler. Je me suis toujours méfié instinctivement de ce que le mal a de romantique. Temps est un premier geste pour évoquer cette question, sans y parvenir réellement. Napier n'est pas mauvais ; il est faible. Mais la porte s'est entrouverte me faisant comprendre qu'après Ciels, un no man's land séparant deux époques d'écritures devra être traversé, sans doute sur plusieurs créations, pour parvenir à l'endroit recherché, même si j'ignore encore tout de lui.
L'inquiétude peut être une boussole. Si elle nous quitte alors nous faisons fausse route. Il faut la garder vive et vivante malgré tout. Inquiétude d'avant les répétitions, inquiétude pendant la création et inquiétant durant les représentations. Tout cela affirme une écriture autre ; des phrases pensées différemment ; des espaces rêvés autrement. Une écriture qui, pour renaître de ses cendres, doit trouver une manière de s'annihiler elle-même.

Petit grain de...

Frisson ! Dans tous les sens du terme, c'est une pièce bouleversante.